Karamira a été publiquement exécuté par balle dans le stade Nyamirambo à Kigali le 24 avril 1998. Ce même jour, 23 autres personnes, dont Virginie Mukankusi, Déogratias Bizimana et Egide Gatanazi (cf. «ramifications»), ont été publiquement exécutées au même endroit et dans trois autres lieux.


>Jugement du 14 février 1997 du tribunal de 1è instance de KIGALI,
Ministère Public C/KARAMIRA
GENOCIDE - CRIMES CONTRE L'HUMANITE - ASSOCIATION DE
MALFAITEURS(articles 281, 282 et 283 C.P.) - ASSASSINAT(arts. 89, 90, 91 et 312 C.P.) -
NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER(art. 256 C.P.) - PREMIERE CATEGORIE
(instigateur, encadreur, superviseur et position d'autorité) - CONCOURS IDEAL - PEINE DE
MORT - DOMMAGES ET INTERETS - DOMMAGE MORAL - CONDAMNATION IN
SOLIDIUM DU PREVENU ET DE L'ETAT.
/. Remise - droits de la défense et citation de l'Etat (responsabilité civile)
2. Demande de rectification liste des présumés génocidaires - Tribunal incompétent pour
prononcer telle mesure - Compétence des tribunaux rwandais
3. Infractions établies (crime de génocide, assassinat, association de malfaiteurs et non-
assistance à personne en danger) - Preuves par témoignages et pièces.
4. Organisation de meeting (appelant au génocide) - Infraction non poursuivie (simple élément de
preuve).
5. Concours idéal d'infractions et première catégorie - Peine de mort.
6. Dommages et intérêts - Evaluation - Condamnation solidaire prévenu et Etat rwandais.
1. En ses motifs, le tribunal accorde une remise de 15 jours pour permettre au prévenu de préparer
sa défense et pour que l'Etat rwandais puisse être appelé à la cause comme civilement
responsable.
2. Le tribunal, en chambre du conseil, se déclare incompétent pour ordonner que des noms soient
rayés de la liste des présumés génocidaires publiée au Journal Officiel.
Le tribunal, rejette l'exception d'incompétence soulevée par le prévenu qui le qualifie de
tribunal d'exception et contraire à la constitution, et constate qu'en application de la loi
organique du 30/8/1996, sa compétence est établie.
3. Sur la base des témoignages et de pièces produites au dossier, le tribunal décide que sont
établies les préventions suivantes :
_ Génocide et massacres. Le prévenu a, après avoir provoqué la scission du parti M.D.R.
dont il était vice-président, créé une faction politique appelant à l'élimination des Tutsi
et a à l'occasion de différents discours et réunions appelé aux massacres des Tutsi et
enfin a, à travers son programme de « défense civile », mis à la disposition de la
population des armes qui ont servi aux massacres.

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- Association de malfaiteurs (arts. 281 282 et 283 C.P.). Le prévenu a distribué ou fait
acquérir des armes aux unités(milices) qui ont pris une part active dans le génocide et les
massacres, et a affirmé à la radio qu'il supervisait le programme d'enseignement au
maniement des armes dans son programme de « défense civile ».
- Assassinat farts 89. 90. 91 et 312 C.P.). Les témoignages établissent à suffisance la
responsabilité du prévenu dans l'assassinat des membres d'une famille et ses
instructions visant l'assassinat d'autres personnes.
- Non-assistance à personne en danger (art. 256 C.P.). Le prévenu a, en tant que leader
des groupes de « malfaiteurs » (militaires et miliciens), eu la possibilité d'épargner des
personnes comme en atteste le fait qu'ont été épargnées certaines personnes choisies par
lui.
Le tribunal considère que le prévenu qui avait le pouvoir de susciter les massacres
avait également celui de les arrêter.
4 . A la demande du Ministère Public, le tribunal décide de ne pas poursuivre l'infraction
d'organisation de meeting, ce fait ne pouvant servir que comme élément de preuve.
5 . Le tribunal constate que les quatre infractions établies ont été commises en concours idéal et
rangent le prévenu dans la première catégorie en tant qu'instigateur, encadreur, superviseur et
personne ayant agi en position d'autorité.
Le tribunal le condamne à la peine de mort.
6 . Le tribunal accorde des dommages et intérêts moraux aux parties civiles qui s'étaient constituées
et fixe les montant en sagesse et équité. Il ne fait pas droit à la demande de dommage et intérêts
matériels faute d'éléments probants.
Le tribunal constate que l'Etat rwandais a eu une part active dans la perpétration du génocide et des
massacres, et condamne, solidairement le prévenu et l'Etat rwandais à payer ces dommages et
intérêts moraux.
A la demande du ministère public, le tribunal accorde des dommages et intérêts aux victimes qui ne
sont pas encore identifiées.

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JUGEMENT R.P. 006/KIG/CS RMP433/SI2/CT/KP
(traduction libre du kinyarwanda)
I A CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI SIEGEANT
k K?GALÏEN MATIERE PENALE EN VUE DES POURSUITES DES INFRACTIONS
œN^TT^S DU CRIME DE GENOCIDE OU DES CRIMES CONTRE L'HUMANITE AINSI
QUE DES INFRACTIONS CONNEXES A RENDU LE JUGEMENT SUIV ANT :
JUGEMENT DU 14/2/1997
EN CAUSE: MINISTERE PUBLIC contre,
KARAM1RA Froduald, fils de Segakwerere Silas et Nyiramfikije Cécile, né le 14/8/1947 à
Muhanq Commune Mushubati, Préfecture Gitarama, résidant à Nyabitare, Secteur Nyamrambo,
Commune Nyarugenge, Préfecture de la Ville de Kigali, marié à Kambibi Mane Coretti pere de six
en™ 5 garçons et une fille, commerçant qui exerçait auparavant en tant qu'assistant medical,
sans antécédents judiciaires connus.
(...)
PARTIES CIVILES
(NDLR : 83 parties civiles sont constituées)
PARTIE CIVIt FMFNT RESPONSABLE: Etat Rwandais.
LE TRIBUNAL
Vu la lettre n° A156/D 11/ A/Proré. Du 28/02/1997 adressée au Président de la Chambre
> Spécialisée lui communiquant les pièces du dossier pénal constitué contre Karamira Froduald
portant le n° RMP433/CT/KP pour fixation;
Vu que le dossier a été enrôlé sous le n° RPO06/KIG/CS, que l'audience à laquelle l'affaire
sera appelée fut fixée au 14/01/1997, date qui fut communiquée au Ministère Public;
Vu la comparution volontaire de Karamira Froduald au jour indiqué, l'instruction de l'affaire
en audience publique, le ministère public étant représenté par Kalisa Pascal et Kayihura Edouard
Attendu que Karamira Froduald est poursuivi pour :
Avoir dans la ville de Kigali, et à Gitarama, en République Rwandaise, entre les mois «[octobre
1093 et de Juillet 1994, en tant qu'auteur, coauteur ou complice comme prévu aux articles 89,90
et 91 du livre premier du Codé pénal commis le crime de génocide ou les crimes contre
c™tion du 9/12/1948, DL no8175 du 12/2/1975; Loi n° 08/96 du 30/08/1996;

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.Avoir, àNyamirarnbo, commune Nyarugenge, Préfecture de la Ville de Kigali, au courant du mois
d'octobre 1993, organisé un meeting dans lequel il a appelé les citoyens à se soulever les uns
contre les autres suivant leur appartenance ethnique, ce fait ayant alarmé les populations,
provoquant ainsi les troubles sur le territoire national, art. 166 C.P .L II et 168 CPL II;
.Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, créé une association de malfaiteurs
art. 281,282 et 283.
.Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, en tant qu'auteur, co-auteur ou
complice, commis des actes d'assassinat, faits prévus et punis par les articles 89, 90, 91 et 312
CPL II-
.Dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, s'être abstenu volontairement de porter
secours aux familles en danger, cette abstention ayant entra né la mort des personnes au sein de
ces familles, faits prévus et punis par l'article 256 alinéas I et 2.
Entendu la requête de Maître Paul K. Atita qui assiste Karamira Froduald demandant au
tribunal de remettre l'affaire à une autre date aux motifs qu'il n'a pas pu préparer le dossier suite
aux contraintes liées au voyage et qu'il n'a pas pu s'entretenir avec son client;
Attendu que Karamira a également soutenu la requête de son avocat en demandant au tribunal
de l'examiner favorablement puisque lui et son avocat n'ont pas eu le temps de se connaître;
Attendu qu'à la question de savoir ce qu'il a entrepris dans le but de se chercher un avocat
depuis qu'il a eu connaissance du jour d'audience, Karamira répondit qu'il avait demandé àia
direction de la prison de lui chercher un avocat, que le fait que cette recherche ait pris beaucoup
de temps ne peut pas lui être imputable;
Entendu le Ministère Public en ses explications affirmant que Karamira a disposé de
suffisamment de temps pour étudier son dossier que par ailleurs suivant ses constatations
Karamira et son avocat se connaissaient suffisamment, que par conséquent Karamira devait
assurer lui-même sa propre défense;
Entendu Maître Paul K. Atita demander à l'officier du Ministère Public de revenir sur sa
demande car ce qui se passe actuellement concerne l'Etat Rwandais et même I" Afrique, que sa
volonté n'est pas d'entraver l'administration d'une bonne justice, qu'il demande tout simplement au
tribunal d'appliquer les règles admises par la communauté internationale et éviter ainsi de se
compromettre avec elle, réitérant sa demande que l'audience soit reportée de quinze jours;
Attendu qu'en réaction àia demande du ministère public et à l'avis exprimé par Maître Paul K.
Atita, Karamira répondit que si la volonté du Ministère Public est de ne pas reconnaître le droit du
prévenu c'est que ['administration du Rwanda serait motivée par d'autres intentions inavouées,
éloignées d'un bon procès, que par conséquent il demandait que les droits du prévenu soient
respectés;
Entendu que Maître Rwangampuhwe François, représentant une fraction des parties civiles,
dire qu'à la lecture du dossier, il était apparu opportun aux parties civiles de présenter d'autres
témoins à charge, qu'ensuite ils constataient que l'Etat Rwandais devait être appelé dans cette
affaire puisque les militaires armés ont été utilisés, et que les parties civiles réclament des
compensations pour leurs biens détruits tels que les maisons et autres
Entendu Maître Mutagwera, représentant les parties civiles exprimer son accord au report de
l'audience pour permettre à l'avocat de Karamira de préparer le dossier et de citer le
gouvernement rwandais en tant que civilement responsable;

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Entendu Maître Ndolimana dire que le tribunal ne devrait pas baser sa décision de reporter
l'audience sur le fait que le droit de la défense n'a pas été respecté puisque tes délais légaux de
citation de 8 jours ont été respectés .mais que plutôt la motivation du report devrait être le fait que
certaines personnes qui auraient dû normalement être parties à ce dossier n'ont pas été appelées;
Entendu Maître Musonera Vedaste, représentant les parties civiles demander au tribunal de ne
pas baser sa décision de report sur la coutume africaine comme ie demandait Maître K.Atita
mais plutôt sur la loi applicable au Rwanda, et qu'au nom des parties qu'il représente il était
d'accord que l'affaire soit reportée de 15 jours pour que l'Etat Rwandais soit cité et permettre à
d'autres parties civiles de se manifester;
Entendu Maître Patricia Jaspis exprimer sa satisfaction de voir l'audience reportée à une
autre date;
Entendu l'officier du Ministère Public dire que pour lui ce n'était qu'une manière de retarder le
jugement qu'en outre l'Etat rwandais ne devait pas être appelé dans cette affaire puisque le
ministère public avait demandé des dommages et intérêts pour toutes les parties civiles même
fc pour celles non encore identifiées;
Entendu Maître Paul K.Atita affirmer qu'il y a intérêt légitime à ce que l'Etat Rwandais soit
représenté dans cette affaire que ce v œu ne constitue donc pas une manoeuvre dilatale;
Entendu Maître Rwangampuhwe rappeller au Ministère Public que ce dernier ne représente pas
l'Etat Rwandais mais devrait plutôt assister les parties civiles, que dès lors à son avis l'Etat
rwandais devrait être cité à 15 jours;
Entendu Maître Musonera expliquer que les actions civiles sont dirigées contre Karamira et
l'Etat Rwandais, puisqu'on ne peut pas concevoir un génocide sans l'accord des autorités;
Attendu que l'audience a été reportée au 29/1/1997;
Attendu qu'au jour indiqué le prévenu et les parties civiles ont comparu, alors que l'Etat Rwandais
régulièrement cité ne s'étant pas fait représenté fut jugé par défaut;
Attendu qu'à la question de savoir s'il plaidait coupable, Karamira répondit qu'il plaidait non
| coupable, mais qu'avant toute chose il demandait au tribunal d'ordonner qu'il soit rayé de la liste
des génocidaires établie par le ministère public, car cette liste va à rencontre des droits de
l'homme et que dans ce contexte la justice ne peut pas être rendue dans la sérénité;
Entendu le ministère public et les avocats des parties civiles demander que Karamira se
défende sur les faits à sa charge au lieu de continuer ses manœuvres dilatoires puisqu'il
n'appartient pas au tribunal d'ordonner de faire rayer les noms sur les listes des génocidaires;
Attendu que le tribunal s'est réuni en chambre du conseil et a pris la décision suivante :
"Constate qu'il n'est pas de la compétence de ce tribunal d'ordonner que des noms soient
rayés de la liste des présumés génocidaires publiée au Journal Officiel, puisqu'il existe d'autres
voies légales que doivent emprunter de telles requêtes" +
"Décide par conséquent d'examiner l'affaire quant au fond, Karamira devant se défendre sur
tous les faits à sa charge, puisqu'il appartient au tribunal et nonau ministère public de le déclarer
coupable ou de l'acquitter"

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Entendu Karamira déclarer que malgré qu'il n'était pas satisfait de la décision du tribunal, il
acceptait néanmoins de plaider;
Entendu sur le fait de savoir s'il plaidait coupable pour le crime de génocide, Karamira
répondit qu'avant toute chose il aimerait savoir la définition exacte du mot "génocide», le tribunal
lui répondit que la définition se trouvait dans la loi que nul n'était censé ignorer, après quoi
Karamira admit avoir eu connaissance de cette loi et ajouta cependant que la chambre
spécialisée était une juridiction d'exception non reconnue par la constitution rwandaise,
demandant par conséquent d'être jugé à Arusha;
Attendu que le tribunal lui expliqua qu'en application de la loi ci-haut évoquée, il était
compétent pour le juger et qu'il était invité à se défendre sur les faits à sa charge;
Entendu Karamira dire qu'il plaidait non coupable puisque la manière dont les débats étaient
dirigés l'empêchait de jouir pleinement de ses droits et qu'il trouvait que continuer à plaider de
cette façon ne servait à rien;
Entendu la requête de Maître Paul K.Atita demandant au tribunal qu'avant de prendre une
décision à ce sujet, il lui permette de s'entretenir ayec Karamira;
Attendu que la parole a été donnée au ministère public, lequel après avoir fourni des
explications sur les circonstances des faits à charge de Karamira et donné les preuves y relatives,
demanda que des témoins soient entendus ;.
Attendu que s'en est suivie l'audition des témoins ;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Masumbuko Jean Pierre expliqua qu'il était
employé chez Sakumi Anselme, qu'en date du 8/4/1994 Karamira inyita Sakumi Anselme à le
rejoindre à la barrière, que ce dernier refusa, que les militaires qui se trouvaient chez Karamira
sont venus assassiner Sakumi chez lui à la maison, la femme de Sakumi ainsi qu'une autre fille
qui vivait chez Sakumi furent emmenées chez Karamira pour y être tuées, tandis qu'une balle lui
était tirée dans l'œil (deMasumbuko Jean Pierre) et que depuis lors il ne connaissait pas la suite;
Attendu qu'à la question de Maître K.Atita tendant à savoir s'il connaissait Karamira depuis
longtemps et si la femme de Sakumi avait été effectivement tuée chez Karamira, Masumbuko
répondit qu'il connaissait Karamira depuis longtemps et qu'il était présent à la mort de Sakumi qui
a été fusillé devant la maison de Karamira;
Attendu qu'à la question de Karamira de connaître la personne qui l'avait fait asseoir devant
chez Karamira et la personne qui avait donné l'ordre de lui tirer une balle dans l'oeil, Masumbuko
répondit que ce sont les militaires qui l'y ont fait asseoir et que c'est Karamira lui-même qui a dit
:"Qu'on tire une balle dans l'œil de ce vaurien".
Attendu que le témoin Uwineza Josine a expliqué que Karamira a téléphoné à Sakumi Anselme
en lui demandant de le rejoindre à la barrière, ce que Sakumi refusa, par après il fut tué, les autres
furent dirigés vers la route, Madame Sakumi fut tuée devant chez Karamira, qu'elle-même
(Uwineza) a demandé du secours que leur a refusé Karamira qui imaginait qu'ils avaient tous été
tués alors qu'ils restent toujours vivants;
Attendu qu'interrogée pour savoir si elle a pu reconnaître certaines personnes, Uwineza Josine
répondit que ces personnes faisaient habituellement la garde chez Karamira et qu'elle les voyait
souvent;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Ngandahimana Gerald affirma que Karamira

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avait appelé les Bahutu à tuer les Batutsi, qu'il est à l'origine du subsantif "Power", qu'il affirmait
que le mututsi est un ennemi, qu'il l'a répété maintes fois au cours des meetings;
Attendu que Ngendahimana expliqua qu'il était membre du même parti que Karamira avant
que ce dernier ne le scinde en deux, la faction de Karamira prônait la haine des Tutsi et tous ceux
qui ne partageaient pas leurs idéaux;
Attendu qu'interrogé sur le fait de savoir s'il aurait eu connaissance des actions concrètes
posées par Karamira relatives au génocide, Ngendahimana répondit que Karamira répétait partout
que tout allait bien à travers le pays alors qu'entretemps les personnes étaient massacrées;
Attendu que Ngendahimana affirma qu'il confirmait ses déclarations faites devant l'officier du
ministère public et qu'il n'entendait n'y rien changer;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Nyamuzi Abdul Karim affirma que des
militaires et des miliciens Interahamwe qui vivaient chez Karamira ont tué beaucoup de personnes
dont Rwabugiri et son enfant, Bugumi, Rwayitare, N yemazi et plusieurs autres, que les armes
utilisées par ces Interahamwe leur étalent données par Karamira et qu'ils s'exerçaient au Bar
Beau Séjour situé en haut de chez Karamira;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Rudacogora expliqua que Karamira a eu une
grande part dans les actes de génocide et des massacres, que c'est lui qui est l'instigateur de la
mort de Sakurni et de sa femme, que les réunions du "Comité de Crise" se tenaient chez
Karamira, qu'à son avis Karamira devait avouer les faits et demanderpardon;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Sebudandi Jean Baptiste déclara ne rien
connaître des faits à charge de Karamira puisqu'il ne quittait pas sa maison, mais qu'il savait
cependant que Karamira allait souvent dans les meetings;
Attendu qu'après prestation de serment le témoin Safali Stanley expliqua que Karamira a
planifié le génocide et les massacres depuis 1991 époque à laquelle il appelait les Hutu à éliminer
les personnes d'ethnie tutsi, qu'il est à la base de la scission du parti MDR et excluant les autres
du parti, que c'est lui qui est à l'origine du substantif "Power";
Attendu que le témoin Ntampaka François, après avoir prêté serment expliqua qu'il était
voisin de Karamira dans leur quartier, qu'après la mort du Président Ndadaye, Karamira a mobilisé
les Jeunes du MDR dans des meetings en les appelant à la chasse aux Tutsi, que les personnes
qui assuraient la garde de Karamira ont été à l'origine du pillage perpétré chez Ntampaka,
Karamira demandant à ces pillards d'éviter ë maison de son ami Mukeka, que Karamira a fait
assassiner Sakurni Anselme et plusieurs parmi ses voisins, qu'enfin Karamira était le responsable
des Interahamwe;
Attendu que Ntampaka poursuivit en disant que les Interahamwe s'entraînaient au Bar Beau
Séjour et dans la maison de Sakurni;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Mukabakunda affirma que Karamira a
encadré les massacres, qu'ayant cherché refuge chez Karamira, ce dernier leur a dit qu'il n'y avait
pas de raison de se cacher, que toute personne membre du FPR serait tuée, que par conséquent
elle affirmait que Karamira était un tueur;
Attendu que le témoin Mukagasana Alice, après prestation de serment affirma que Karamira
est à l'origine de la mort de ses parents, que des Interahamwe sontvenus chez eux, les ont fait
asseoir, les ont battus, après ils ont tué le père;

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Attendu que Mukagasana poursuivit en disant que c'était Karamira qui distribuait ies armes et
ordonnait la mise à mort des personnes;
Attendu qu'après prestation de serment, le témoin Nduwawe Denise affirma que Karamira a
fait tuer Sakumi Anselme et sa femme en utilisant ies services des militaires préposés à sa propre
garde,
et qu'il a fait tuer plusieurs autres personnes en refusant de leur porter secours mais plutôt en les
livrant aux tueurs;
Attendu que suite aux heures avancées les débats ont été suspendus, l'audience reportée au
30.1.1997, jour auquel le prévenu et les parties civiles ont de nouveau comparu;
Attendu qu'invité à prendre la parole, Karamira objecta quele fait d'avoir entendu tous les
témoins de façon ininterrompue ne lui permettait pas de poser ses propres questions à ces
témoins;
Attendu qu'interrogé sur la question de savoir s'il reconnaissait avoir distribué des armes à travers
le pays comme il l'avait affirmé dans son procès-verbal, il répondit qu'il niait ces faits, que le
procès-verbal renseigne qu'il a sollicité des armes pour la population qui était massacrée et que
cela est un droit qu'il tient de ses responsabilités au sein du parti;
Attendu qu'invité à dire si les armes sollicitées ont été livrées, d'expliquer la catégorie de
personnes qui étaient massacrées et de nommer leurs bourreaux, il répondit qu'après l'attentat
contre l'avion de Habyarimana le 6.4.1994 une réaction à caractère militare s'en est suivie, la
guerre éclata entre l'armée gouvernementale et l'armée du FPR, des civils furent tués, il revenait
aux politiciens de chercher une solution à tous ces problèmes, que ce qu'il a fait n'était que la
volonté du peuple, qu'étant dans une situation de guerre toute personne morte au cours de cette
période fut victime de l'insécurité qui prévalait tandis qu'en ce qui concerne les armes, lui n'a fait
que des suggestions mais que ces armes n'ont pas pu être livrées;
Attendu qu'à la question ce savoir si à sa connaissance il n'y a pas eu de personnes qui ont été
tuées par balles sans que cela soit l'œuvre des militaires, Karamira répondit que plusieurs
personnes sont mortes fusillées et que d'autres choses pareilles se passent dans un pays, il faut
mener une enquête internationale pour déterminer le nombre de personnes tuées, la façon dont
elles ont été tuées et la cause de leur mort;
Attendu qu'interrogé s'il reconnaissait avoir donné des cours relatifs au maniement des armes
au Bar Beau Séjour, Karamira répondit qu'il ne pouvait pas donner ces leçons alors que lui-même
ne savait pas utiliser une arme, que si ces leçons y avaient été effectivement dispensées le Tutsi
qui était tenancier de ce bar et la femme Hima qui y était hébergée ne seraient pas toujours en
vie;
Entendu Maître Mutalikanwa Félicien solliciter qu'il soit demandé à Karamira d'expliquer
comment il s'est permis de demander des armes à distribuer à la population alors qu'il y avait des
agents chargés de la sécurité;
Attendu que dans son intervention Maître Mutagwera Frédéric invita le tribunal à poser à
déchargé;
Entendu l'officier du ministère public affirmer que les armes ont été distribuées par Karamira
puisque plusieurs personnes attestent l'avoir vu comme cela figure au procès-verbal établi par le
Parquet;

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Entendu Karamira dire que ses propos ont été mal compris, qu'il n'a fait qu'avancer une idée,
qu'il n'a jamais distribué des armes, qu'il tenait ce droit de sa position au sein du parti;
Attendu qu'il poursuivit en disant que seules devraient être mises sur le dos de la population les
personnes tuées à l'aide des moyens autres que les armes à feu, que le fait que des civils aient
été tués était la conséquence de l'insécurité, raison pour laquelle il est allé trouver le Préfet et lui a
dit de tenir une réunion en vue d'organiser la protection de la population, que cette action n'est pas
blâmable à ses yeux, qu'en ce qui concerne l'interview donnée à la radio c'était pour un politicien
Ea manière d'apprendre à la population à se défendre et que là s'arrêtait sa mission;
Attendu que dans son intervention Maître Ndolimana révéla que le fait pour Karamira d'avoir
reconnu son discours constitue une preuve, que l'important est que Karamira ait sollicité des
armes, que ces armes aient été livrées, que ces armes aient été utilisées, que par conséquent il
ne peut pas nier son rôle actif dans les décès intervenus;
Attendu qu'en réaction, Karamira répondit qu'il n'était pas tout à fait d'accord avec tout le
contenu de son discours, mais qu' il était dans son droit de proposer une idée;
Attendu qu'invité à se défendre pour l'infraction d'avoir organisé des meetings, Karamira
répondit que cette infraction ne figure pas à la citation, que l'organisation des meetings était régie
par
une législation appropriée;
Entendu l'Officier du Ministère Public expliquer que Karamira n'était pas poursuivi pour avoir
organisé des meetings mais plutôt pour des propos qu'il a tenus au cours de ces meetings;
Attendu que de nouveau invité à se défendre contre les propos tenus pendant les meetings,
Karamira ne trouva rien à dire;
Attendu qu'invité à se défendre contre la troisième infraction à sa charge, Karamira répondit
qu'il plaidait non coupable, interrogé de s'expliquer sur les actes des interahamwe qui visaient la
mort des personnes, il répondit que cette question ne le concernait pas car son parti n'entretenait
pas de rapports avec les Interahamwe;
Attendu qu'invité à s'expliquer sur la partie de son discours appelant les interahafwe et la I
COR à s'unir, il répondit en demandant au Ministère publicde produire un document écrit datant
de cette époque car on ne peut fonder une preuve sur des enregistrements, que le discours
entendu est le résultat d'un montage, qu'il n'a jamais prononcé les mots "Hutu Power".
Attendu qu'à la question de savoir s'ilétaii présent lors du discours dans lequel Karamira
prononça les morts Hutu Power, MRND Power, Safali Stanley répondit qu'il n'était pas présent
qu'il a entendu ces mots à la Radio Rwanda;
Attendu qu'en réaction aux affirmations de Safali Stanley, Karamira rétorqua que rien de bon
ne peut émaner de Safali en sa faveur puisqu'ils ne partagent pas les mêmes opinions, mais que
puisqu'il reconnaissait lui-même qu'il n'était pas présent ses déclarations n'ont aucune valeur;
Attendu qu'interrogé à donner son pont de vue sur les témoignages qui le chargent, Karamira
répondit que ces témoignages l'étonnaient beaucoup puisqu'on ne peut pas accuser quelqu'un de
distribuer des armes ou de les détenir et après le voir dans les familles des Tutsi et ne pas les tuer
puisque ce sont des voisins ou des personnes qui s'étaient réfugiées chez lui car mis à part la
famille Sakumi qui a été tuée par accident tous les autres sont encore en vie;

Page 10
Attendu qu'à ia question de savoir si hormis les mois Power, CDR power, Karamira
acceptait le contenu de l'autre partie de son discours, il répondit que quand il sera inculpé pour les
mots prononcés lors des meetings, il répondra à cette question;
Entendu l'officier du Ministère Public affirmer que Karamira reconnaissait le discours, que ce
qu'il niait était les mois "Power", que l'attentat contre les personnes est prouvé par le fait que
Karamira enseignait le maniement des armes, qu'il contrôlait les barrières, le tout constituant une
association de malfaiteurs;
Attendu qu'invité à péciser le nombre de fois qu'il s'est rendu à Gitarama au cours du
génocide, Karamira répondit qu'il y est allé deux fois, la première fois pour être informé d'un
voyage qu'il devait entreprendre ensuite, il a continué sur Bulinga et s'est rendu par après à
Gisenyi;
Attendu qu'à la question de dire le nom d'une autorité qu'il a rencontrée à Bulinga, il répondit
qu'il n'a rencontré aucune autorité;
Attendu qu'à la question de dire l'objet de sa mission à l'étranger il répondit que cette mission
était en rapport avec la Chambre de Commerce et d'Industries du Rwanda qu'il représentait;
Attendu qu'il poursuivit en disant qu'il ne peut rien dire sur les événements survenus à Bulinga
puisqu'il n'y a pas séjourné longtemps et qu'il demande que lui soient annoncés les témoins qui le
chargent;
Attendu qu'après prestation de serment le témoin Karubanda Vincent affirma que Karamira a
dirigé plusieurs meetings à l'hôtel Papyrus de Gitarama, à l'hôtel Iminyinya, également à Ruhango
et à Nyabikenke le jour où le Bourgmestre fut brûlé vif;
Attendu qu'après prestation de serment le témoin Kabisa Jean Damascène expliqua qu'il fut
employé chez Karamira, qu'avant la guerre il a entendu Karamira prononcer des discours
divisionnistes à Kimisagara, le lendemain il revint avec in petit carton plein de grenades, après il
retourna en compagnie de óeux véhicules remplis de machettes;,
Attendu qu'il poursuivit son témoignage en disant qu'au cours de la guerre il est allé trouver
refuge chez Karamira qui lui a dit que chez lui c'était à l'Etat Major, qu'il n'était pas chargé
d'héberger les gens et l'envoya chez Patrice, il fut arrêté sur une barrière, Karamira le sauva tout
en disant aux Interahamwe de ne plus tuer les personnes dans la rue mais plutôt de le faire en
contrebas puisque cela était mal vu par la communauté internationale;
Attendu qu'en réaction, Karamira répondit que les affirmations de Kabisa ne sont que des
pures inventions car si réellement il avait trouvé refuge chez Karamira il y serait resté puisqu'il
avait de la sécurité;
Attendu que pour la dernière infraction, Karamira plaida non coupable, qu'invité à s'expliquer sur la
mort de Sakumi, Karamira répondit que Sakumi était mort atrocement et de façon imprévisible et
que cela lui faisait de la peine car il était son ami, que Madame Sakumi a été tuée par un
gendarme qui vivait chez lui (chez Karamira);
Attendu qu'à la question de Maître Mutalikanwa Félicien de savoir si Karamira connaissait le
moment de la mort de Sakumi, Karamira répondit qu'il ne le connaissait pas, qu'interrogé
également s'il connaissait les circonstances de ia mort de la femme de Sakumi, Karamira ne
répondit rien;
Attendu que Maître Mutalikanwa poursuivit son intervention en disant que dans son

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interrogatoire devant l'officier du Ministère Public Karamira a expliqué que Madame Sakumi était
morte fusillée mais que lui (Karamira) n'était pas présent à ce moment là, !e fait que cette femme
ait été tuée par un gendarme préposé à la garde personnelle de Karamira illustre bien qu'il était
présent car il est inconcevable qu'il soit parti sans son escorte;
Attendu qu'à la question de Maître Mutagwera Frédéric adressée à Karamira lui demandant de
préciser quand ont été enterrés les corps des époux Sakumi puisqu'il prétendait être l'ami de la
famille, Karamira répondit que le témoin Nkekinka n'affirme pas que Sakumi a été tué par balles
par des gendarmes et que si même cela avait été le cas cette infraction devrait être mise à charge
de ces gendarmes et non mise à sa charge;
Attendu qu'à la question de savoir s'il n'avait rien à ajouter Karamira répondit qu'il
n'approuvait pas la loi organique qui sert de base juridique à son jugement, que le fait de plaider
devant les juridictions du Rwanda est ie résultat d'une action terroriste, que pour la deuxième
infraction le ministère public n'en avait pas saisi le tribunal car cette infraction ne figure pas à la
citation, qu'en sa qualité de politicien il est jugé par un pouvoir qui est l'émanation du FPR alors
que le protocole d'accord d'Arusha a été conclu entre le Rwanda et le FPR;
Attendu qu'en sa qualité de représentant des parties civiles, Maître Ndolimana Pierre expliqua
que les dommages et intérêts réclamés seront supportés par Karamira in solidum avec l'Etat
Rwandais, car si le gouvernement actuel n'a pris aucune part dans les faits justifiant ces
dommages et intérêts, il eut le malheur d'hériter d'une mauvaise cause, raison pour laquelle il doit
également être condamné à verser des dommages et intérêts aux parties civiles, ce
gouvernement a distribué les fusils et toutes les armes utilisées au cours du génocide, tous les
assassins et tous les malfaiteurs ont agi sous la couverture de leur position au sein de l'Etat, de la
radio, de la télévision etc.. qui appartenaient à l'Etat, surtout que cet Etat n'arien entrepris pour
protéger sa population;
Attendu qu'il poursuivit en disant que sans tenir compte des relations existant entre la partie
civile et la victime, il réclamait un million de dommages et intérêts moraux pour toute personne
ayant perdu un proche, cinq millions de dommages et intérêts pour chaque famille destinés à la
réparation des maisons détruites et cinq millions de dommages et intérêts à chaque orphelin,
terminant ses propos en remettant une liste de quinze personnes et des conclusions;
Attendu que suite aux heures avancées, les débats furent suspendus et l'audience reportée au
31/1/1997;
Entendu Maître Musonera Vedaste dire que dans cette affaire il représente: Nsanzabaganwa
Richard, Gasengayire Suzanne, Karekezi Félix, Ngizwenayo Cyprien, Mukabyagaju Angélique,
Rutababije Diogene, Munigantama Cyriaque, Nkurunziza J.B., Nkubito Alphonse, Gakumba
Antoine, Nabo David, Munyangabe Henri Pierre, Mvuyekure François, Muyawera Charles,
Seromba Léo Pierre, Nemeyabahizi Jérôme, Kageruka Michel et Urayeneza Beline;
Attendu qu'il poursuivit en disant que les dommages et intérêts ont été demandés séparément
suivant plusieurs critères tels que le décès, les maisons détruites, les objets pillés, le bétail, les
récoltes, en réclamant pour chaque personne décédée 1 million de francs de dommages et
intérêts, pour chaque maison détruite fixer les dommages et intérêts en tenant compte des
matériaux de construction et de son emplacement, pour les cultures tenir compte de la superficie
et octroyer cent mille francs pour chaque tête de bétail;
Entendu Maître Mutagwera Frédéric dire qu'il représente 16 familles auxquelles il faut ajouter
les familles des veuves regroupées au sein de l'association Avega Agahozo, mais qu'il demandait
que ces actions qu'il compte poursuivre ultérieurement soient séparées de l'action pénale;

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Entendu Maître Rwangampuhwe François affirmer qu'il représente 16 familles, tout en
demandant au Tribuna! de ne pas exiger la production des attestations communales pour les
autres parties indigentes qu'il compte parmi les clients;
Attendu qu'il poursuivit en disant que ces dommages et intérêts seraient supportés par
Karamira concurremment avec l'Etat Rwandais compte tenu de la situation matérielle des objets
détruits et des prix sur le marché;
Attendu qu'en son intervention, Maître Kaburege Project demanda au tribunal d'accorder à la
famille Nyemazi Primien des dommages et intérêts matériels et des dommages et intérêts moraux
ainsi que la contre-valeur des objtes pillés, que les DI matériels seraient calculés sur base du
salaire mensuel de 800.000F, de l'âge de 43 ans atteint au moment du décès et de l'âge probable
de 70 ans qu'il aurait atteint en restant en activité n'eût été cette mort précoce. Ce qui totalise
263.000.000Frw à titre de DI moraix pour la veuve, 2.000.000Frw de DI moraux pour chaque
orphelin et 1 .OOO.OOOFrw de DI comme contre-valeur des biens pillés.
Attendu Maître Patricia Jaspis dire qu'avec Maître Musoner elle s'en remettait à la sagesse du
tribunal dans l'octroi des DI aux survivants, qu'elle soutenait en outre l'idée avancée auparavant
par ses collègues selon laquelle l'Etat Rwandais doit appliquer les conventions internationales,
que condamner l'Etat Rwandais aux DI ne constituerait pas un abus quelconque, que plutôt cette
condamnation montrerait à la communauté internationale le rôle joué par l'Etat dans le génocide et
les massacres de sorte que cette communauté internationale de son propre gré ou sur demande
pourrait contribuer à aider le Rwanda à indemniser les victimes;
Entendu Maître Mutalikanwa demander au tribunal de tenir suffisamment compte des
préoccupations exprimées par Maître Patricia car cela montre que íes agissements de Karamira
ont blessé la conscience de la communauté internationale, que le fait pour Karamira de ne pas
reconnaître la loi sur le génocide ne peut pas empêcher que cette loi s'applique à son cas;
Attendu qu'il poursuivit en expliquant les DI demandés de la manière suivante :
1) Des DI seraient octroyés à Kirenga Edouard à titre personnel et ainom des enfants
d'Immaculée qu'il représente suivant l'ordonnance no38 et qui sont: Uwase Sylvie, Rusagara
Serge, Ntwali Alain, Ndoli Patrick et Ingavire Consolatrice pour lesquels il demande 286.000.000F
de DI matériels car Sakumi était commerçant, 1.000.000F de DI moraux pour chaque orphelin, les
DI matériels résultant du décès de Madame Sakumi seraient calculés sur base du salaire mensuel
de 30.000F et sont donc évalués à 6.036.000F, les biens détruits ou pillés seraient poursuivis
dans un autre procès.
2) Mazimpaka Martin père de Gahongayire Léonie (belle s œur de Sakumi) 20.000.000F de DI
moraux;
3) Gasali Aloys père de Gasali Alain tué chez Sakumi, 10.000.000F de DI moraux,
4) Masumbuko Jean Pierre 15.000F par mois, il lui restait 30 ans pour atteindre 55 ans, il lui serait
octroyé 5.400.000Frw et 20.000.000Frw de DI moraux.
5) Kayibanda François demande des DI pour ses deux enfants mineurs Kayibanda Gilbert et
Kayibanda Florence et pour lui-même soit 1.488.690Frw de Dî matériels et 20.000.000Frw de DI
moraux à titre personnel, tandis que chaque enfant se verrait octroyer 10.000.000F.
6) Kayibanda Louise et Kayibanda Jeanne Françoise étant majeures poursuivant elles-mêmes
leurs
actions en DI matériels tandis que chacune recevrait 10.000.000F de Di moraux;
7) Rugambage François qui a perdu Mukamusonera Beata et Yangu Jean qui est également père
de Munganyinka Patrice demande 10.000.000F de DI moraux; ,
8) Mukagatare Suzanne qui a perdu Sernuhungu Alphonse et Sano Jean Claude demande
20.000.000F;

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9) Ntagwabira Léonard qui a perdu sa femme et son enfant, sa mère et 4 membres de famille,
lO^Ntaganda Gaspard qui a perdu sa femme et 4 enfants demande 1.836.000F de DI matériels et
20.000.000F de DI moraux; ,,,.,.. .. , , .
11) Ntiyamira Froduald qui a perdu sa femme et 6 enfants et qui a ete lui-même blesse demande
2 325 824F de DI matériels et 50.000.000F de DI moraux;
12) Karasira Emmanuel qui a perdu 3 enfants et d'autres proches demande 10.000.000F de DI
13) Urayeneza Beline qui a perdu sa mère, sa grande sœur et un enfant demande 1 million;
Attendu que Safali Stanley demande des DI cumuiés de 62.492.000F comme explicité dans ses
conclusions écrites remises au tribunal;
Attendu qu'à son tour Gatambiye Sylvère expliqua qu'il plaidait pour luimême et pour six
familles- celle de Kabayija Charles qui a perdu 6 personnes, celle de Ngagi qui a perdu 3
personnes, et qu'il demandait par conséquent 3 millions de DI pour chaque personne tuée et
123.300.000F pour ie bétail tué et les objets pillés;
Attendu Maître Rwangampuhwe François réclamer des DI pour un autre orphelin mineur, et le I
ministère public lui demander de les prouver en produisant des attestations communaies;
Attendu qu'en ce qui concerne les actions des parties civiles le ministère public demanda que ~. V
Karamira soit condamné à 5 milliards de DI pour les enfants mineurs et les personnes handicapes
suite au génocide et aux massacre, non encore identifiées et qu'une saisie conservatoire soit
opérée sur son
patrimoine;
Attendu que le ministère public poursuivit en expliquant les circonstances des infractions à charge
de Karamira et termina en requérant la peine capitale pour la première infraction, deux ans
d'emprisonnement pour la deuxième infraction, la peine de mort pour la troisième nfraction, une
peine de cinq ans pour la quatrième infraction et la peine de mort pour la cinquième infraction, la
condamnation aux dommages et intérêts et aux frais du procès;
Attendu que dans son intervention Maître Kato P. Atita implora la clémence du tribunal lui
demandant de ne pas infliger la peine capitale à Karamira qui constitue une condamnation
extrême et conseilla Karamira de s'incliner en mémoire de toutes les victimes et de demander
pardon;
Attendu qu'invité à faire des ajouts à sa défenseJKaramira déclara qu'il adressait ses
condoléances à tous ceux qui avalent perdu les leurs, dont II partageait la peine et conclua en
disant que si sa condamnation à mort pouvait servir à cimenter l'unité du pays, il ne s'y refuserait
pas.
Constate que le crime de génocide et des massacres est établi dans le chef de Karamira, :
ouisqu'après avoir provoqué la scission du parti MDR dont il était le vice-président, Karamira a
créé ia faction dite « MDR POWER », organisé des meetings à Kigali et à Gitarama dansiesquels
il appelait les Hutu à éliminer les Tutsi et donné des Interviews à la radio à caractère divisionniste;
Constate que le meeting tenu à Nyamirambo (Kigali) le 23.10.1993 a constitué l'une des
principales causes du génocide et des massacres, meeting au cours duquel Karamira a appelé
tous les Hutu du Rwanda à s'unir pour faire ie nécessaire, à se coaliser avec les partis MRND et
CDR renommés dans les tueries à travers le pays, de s'unir aux interahamwe ainsi qu'a la
jeunesse du MDR (JDR) pour mener la lutte contre les "cancrelats" et leurs complices;

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Constate ensuite qu'à Gitarama (ville) à Ruhango et à Nyabikenke (localités situées toutes
dans la préfecture de Gitarama), Karamira a organisé des réunions dans lesquelles il appelait les
Hutu à massacrer les Tutsi comme l'attestent les témoins oculaires habitant ces localités;
Constate que dans (es discours tenus à la Radio Rwanda et à radio RTLM (Radio Télévision -
Libre des Milles Collines) au début du génocide et des. massacres, Karamira s'est fait le porte-
parole des militaires, parcourant tous les quartiers de Kigali pour se rendre compte de la façon
dont les personnes étaient tuées et venir après déclarer à la radio que tout allait bien et en
annonçant le programme couvrant tout le pays destiné à apprendre le maniement des armes aux
jeunes gens, ce que
Karamira n'a jamais nié;
Constate que Karamira dans un long programme destiné à couvrir tout le pays et appelé
"Défense Civile" a admis être à la base de l'idée de donner des armes à la populatiin, idée qu'il a
soumise aux autorités préfectorales de la ville de Kigali, les témoins affirment que c'est lui qui a
distribué les armes dans la région de Kigali et de Gitarama (même si lui le dément), ces fusils et
d'autres armes traditionnelles étant celles-là même qui ont été utilisés au cours du génocide et
des massacres;
Constate également que Karamira Froduald, en qualité de responsable du parti politique
MDR a reconnu avoir collaboré avec des membres d'autres partis (de tendance power) à la mise
en place du gouvernement, ce gouvernement étant celui qui a encadré le génocide et les
massacres à travers le pays;
Constate que Karamira ne doit pas être poursuivi pour l'infraction à sa charge d'avoir organisé
un meeting à Kigali en octobre 1993 dans leqiel il a appelé les citoyens à se soulever les uns
contre les autres cartel est le vœu du ministère public, prenant ce fait seulement comme étant
une preuve du crime de génocide et des massacres;
Constate que l'infraction d'association des malfaiteurs à charge de Karamira est établie puisqu'il
existe des unités de jeunes interahamwe à qui Karamira a distribué ou a fait acquérir des fusils et
autres armes traditionnelles, ces unités étant celles qui ont pris une part active dans le génocide et
les massacres, en tuant les gens, en mettant en place des barrières qui empêchaient les
personnes de fuir et où elles étaient massacrées, Karamira Froduald encadrait toutes ces actions
dans la région de Kigali et l'a
affirmé à la radio et c'est lui-même qui supervisait le programme d'enseignement au maniement
des armes dans le quartier de Nyamirambo comme il l'a déclaré lui-même dans son programme
appelé "défense civile", destiné à la jeunesse;
Constate par ailleurs que dans ce même quartier de Nyamirambo, c'était Karamira Froduald qui
présidait les réunions de ce qui s'appelait « comité de crise » qui recensait les personnes tuées et
celles non encore tuées pour les livrer aux tueurs, Karamira n'ayant jamais nié ce fait tout au long
de sa défense ;
Constate que l'infraction d'assassinat à charge de Karamira est établie puisque les témoins de
son voisinage ont attesté qu'il a eu une grande part dans la mort de Sakumi Anselme et des
membres de sa famille, Karamira ayant envoyé les militaires chargés de sa propre garde tirer sur
Sakumi Anselme, sur sa femme, sur son beau-frère ainsi que sur un employé nommé Masumbuko
Jean Pierre, pour ce dernier cas Karamira ayant déclaré .'Qu'on tire une balle dans l'œ il gauche
de ce vaurien" la balle traversa l'oreille gauche mais Masumbuko survécut, tous ces faits s'étant
déroulés sur la barrière qui était située devant l'habitation de Karamira et était placée sous ses
ordres;
Constate ensuite qu'il existe d'autres familles qui vivaient dans la même partie du quartier

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Nvamirambo que Karamira qui ont été tuées par des militaires, tels que Murokore surnomme
Elanqa et autres et même certains interahamwe comme Kigingi Placide, Kibuye et autres au
moment où ils quittaient la maison de Karamira chez qui elles avaient trouve refuge; -
Constate que l'infraction de non assistance des familles en danger alors qu'il n'y avait aucun
risaue pour lui est également établie à charge de Karamira puisqu'il était à la tête des groupes de
malfaiteurs {les militaires et les miliciens) qui exécutaient ses ordres d'agir ou de ne pas agir, ceci
étant attesté par le fait qu'il existe des cas de personnes tuées parce qu il avait decide de leur
mort et que pour d'autres personnes auxquelles il avait promis la vie sauve, personne ne les
touchait, ces agissements prouvent que s'il l'avait voulu il aurait empêché les tueurs de tuer et ils
lui auraient obéi, évitant ainsi la mort des personnes ;
Constate éqalement que comme il appelait les Hutu (en tant que responsable d'un grand parti
comme le MDR) à se lever et à iunir pour combattre l'ennemi qu'on appelait cancrelats et leurs
complices lors des meetings et sur les ondes de la radio et qu'il était entendu et ses discours
suivis d'exécution, s'il avait agi de la même manière en leur demandant de ne pas tuer il aurait ete
écouté et le génocide et les massacres n'auraient pas eu lieu;
Constate que toutes les infractions à charge de Karamira sont établies en concours idéal
ouisQu'elles ont été perpétrées dans le seul but de commettre le crime de genocide et des
massacres que ces actes le placent dans la première catégorie puisqu'ils le rangent parmi les
planificateurs les organisateurs, les incitateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de
aénocide ou des crimes contre l'humanité ainsi que parmi les personnes ayant agi en position
d'autorité au niveau national, préfectoral, communal, du secteur ou de la cellule, au sein des partis
Dolitiaues de l'armée, des confessions religieuses ou des milices et à ce titre a commis ces
infractions ou encouragé d'autres personnes à le faire, Karamira Froduald encourt par consequent
la peine déterminée par la qualification la plus sévère;
Ol IANT AUX POMMAGES ET INTERETS
Constate que les dommages et intérêts moraux demandés dans ce procès sont exorbitants, c'est
pourquoi le tribunal, dans la sagesse et l'équité les fixe de manière suivante et pour les personnes
avant pu prouver les relations existant entre elles et les victimes en accordant 1-000.000 pour
Quelqu'un qui a perdu son conjoint, 850.000F à quiconque a perdu un parent et 750.000F a
quelqu'un ayant perdu un frère ou une s œur comme cela figure au tableau suivant
(NDLR: suit un tableau détaillant les DI accordés)
Constate que les dommages et intérêts de 800.000F demandés par Safali Stanley au motif que
Karamira Saurait traumatisé puisqu'ils étaient concurrents au sein du parti MDR, et qu ensuite il I a
pourchassé dans le but de l'assassiner, sont exorbitants, que plutôt il lui est octroyé des DI fixes
par le tribunal en sa sagesse, lui attribue par conséquent les Di moraux de 250.000F ;
Constate que pour les autres personnes qu'il dit représenter, sa femme et ses enfants, le tribunal
ne doit rien leur octroyer car elles ne sont pas constituées parties civiles et qu'il n'a pas produit les
attestations prouvant que les enfants sont encore mineurs;
Constate que les personnes qui se sont constituées parties civiles mais n'ont pas pu
plaider et celles qui ont plaidé mais n'ont pas produit les attestations prouvant les relations qui les
lient aux victimes, ne peuvent pas se voir accorder des DI, si elles le veulent elles poursuivent ces
DI dans d'autres actions;
Constate également que des DI matériels ne peuvent pas être accordés puisque ceux qui les ont
sollicités n'ont pas produit les pièces à l'appui de leurs réclarrations, ces actions pourraient être {

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intentées dans les procès civils;
Constate que les DI de 5.000.000.000F demandés par le ministère public pour les victimes non
encore identifiées sont exorbitants, les fixe plutôt à 1.000.000.000F;
Constate que tous ces DI seront supportés par Karamira in solidum avec l'Etat Rwandais
également partie à ce procès et qu'il a eu une part active dans la perpétration du génocide et des
massacres;
PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADiCTOIREMENT
POUR LE PREVENU ET LES PARTIES CIVILES ET PAR DEFAUT POUR LA PARTIE
CIVILEMENT RESPONSABLE :
Vu la loi fondamentale de la République Rwandaise, telle que modifiée le 16.1.1996:
1. Le protocole d'accord entre le Gouvernement Rwandais et le FPR sur le partage du pouvoir en
ses articles 25 et 26;
2. La Constitution de la République Rwandaise en ses articles 12, 14,33,92-95;
Vu le décret-loi n° 09/80 du 7/7/1980 portant code d'organisation et de compétences
judiciaires surtout en ses articles 6,12, 76,104, 129,199 et 200;
Vu les articles 1, 2, 3,14a, 17a, 27, 29a13, 30 de la loi organique n° 8/96 du 30/8/1996 sur
l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes
contre l'humanité;
Vu la convention du 9/12/1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide;
Vu les articles 16,17,58,59,71, 73, 76,83, 84,90 et 138 du Code de procédure pénale;
Déclare recevables l'action du Ministère public et les actions des parties civiles car régulières
en la forme et les dit fondées;
Déclare établies en concours idéal les infractions à charge de Karamira, comme expliqué dans
les motifs;
Octroie les dommages et intérêts aux parties civiles comme expliqué dans les motifs;
Condamne Karamira Froduald à la peine de mort;
Prononce à son encontre la dégradation civique perpétuelle et totale;
Le condamne, en concours avec l'Etat Rwandais aux dommages et intérêts s'élevant à un
milliard cent trente sept millions six cent cinquante mille francs (1.137.650.000F) qui seront
distribués aux parties civiles de la manière fixée au tableau figurant dans les motifs et cela dans le
délai d'un mois, sinon 30 jours de contrainte par corps pour Karamira suivie de l'exécution forcée;
Le condamne, en concours avec l'Etat Rwandais à verser quarante-cinq millions cinq cent
mille francs (45.506.000F), cela dans un .délai d'un mois, sinon 30 jours de contrainte par corps
pour Karamira suivie de l'exécution forcée;
Les condamne à 40.600F de frais du procès à verser dans un délai d'un mois sinon 30 joursde
contrainte par corps pour Karamira suivie de l'exécution forcée ;

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Dit que le délai d'appel est fixé à quinze jours courant à partir du lendemain de la date de
jugement;
Dit que le prononcé s'est fait au delà des délais prévus suite au calendrier charc£;
AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 13/2/1997 AU TRIBUNAL
DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI, CHAMBRE SPECIALISEE, SIS A KIGALI OU
SIEGEAIENT Messieurs RUTAREMARA SEKARUSU Jariel (président), NSANZURWIMO
JEAN DE DIEU et MUDAGIRA André (Juges) KALISA Pascal et KA YIHURA Edouard
(OMP) et RUTABOBA Marie Rédempta Assumpta (Greffier).